Pourquoi le vélo s'est invité aux élections municipales

Auteur: Stein van Oosteren

Date: 14 mars 2020 13:59

 

Dans les sujets habituels qui rythment les débats électoraux – la sécurité, la propreté, le pouvoir d’achat – un nouveau sujet s’est invité : le vélo. Pourquoi ce sujet, d’apparence si anodine, est-il apparu sur le devant de la scène de façon si massive ?

 

Le canari

Tout d’abord: le vélo n’est pas un sujet anodin. Il est l’équivalent moderne du canari dans la mine, qui prévenait du coup de grisou. Lorsque le canari mourait, c’est que la mine allait exploser bientôt. Lorsque le vélo apparaît en ville, c’est que la tension dans les transports publics et sur les routes dépasse un seuil critique : celui du « ras-le-bol » prêt à exploser. Le ras-le-bol des embouteillages, des transports saturés et d’une vie quotidienne devenue trop pénible. Le vélo révèle la cause de ce ras-le-bol : la rareté croissante de l’espace disponible par habitant.

 

Une bombe à retardement

La cause de ce manque d'espace se construit sous nos yeux. Qui ne connaît pas un ou plusieurs projets immobiliers de grande envergure qui sortent de terre dans sa ville en ce moment ? A force de construire de plus en plus de logements dans un même endroit, les habitants ont de plus en plus de mal à se déplacer. Car on l’oublie facilement, mais pour se déplacer il faut de l’espace, beaucoup d’espace. Surtout si on continue à utiliser la voiture comme moyen de déplacement par défaut, le modèle de mobilité que de nombreuses villes continuent à encourager avant tout.

Comme à Clamart (92), où l’on construit 2000 logements avec 2000 parkings individuels, alors que le tramway et la route départementale qui passent devant sont déjà saturés aux heures de pointe. On ajoute donc 2000 nouveaux automobilistes dans un secteur dense où la mobilité est déjà sous pression, sans adapter l'offre de mobilité. Aucune piste cyclable de qualité ne dessert le site, les habitants sont donc renvoyés au tramway bondé et aux routes embouteillées. Une véritable bombe à retardement, qui est pourtant loin d’être une fatalité.

 

2000 logements sortent de terre devant la D906 et la ligne de tram T6, déjà saturées aux heures de pointe.
2000 logements sortent de terre devant la D906 et la ligne de tram T6, déjà saturées aux heures de pointe.

 

Une solution pour fluidifier la mobilité : le vélo

Car des solutions existent. A Utrecht (Pays-Bas) par exemple, on construit un quartier pour 12.000 habitants sans aucune place de parking individuelle (oui vous avez bien lu). Sans aller jusque-là tout de suite, on pourrait déjà commencer par demander le strict minimum urgent : un réseau cyclable « express » dans chaque agglomération. C’est exactement cette demande qui s’est exprimée partout dans le débat des municipales : à Paris (le Vélopolitain), en Île-de-France (le « RER V »), à Dijon, Rennes, Nantes, Montpellier et dans de nombreuses autres villes françaises. Si Grenoble, Strasbourg et Paris ont pu réaliser chacune respectivement leur Chrono, leur Vélostrass et leur le REVe, pourquoi les autres villes n’y arriveraient-elles pas ?

Le poumon de la mobilité

Le canari proverbial dans la mine suffoque, et a besoin de respirer. Il a besoin d'une forêt, ce « poumon de la ville » qui donne de l'oxygène. Le vélo, lui, est en quelque sorte le « poumon de la mobilité » qui donne de l'espace aux habitants de la ville. Il prend peu de place et en donne donc à ceux qui en ont vraiment besoin. Et au lieu de faire perdre du temps aux habitants dans les embouteillages, il les rend libres tout en leur offrant une expérience de déplacement de qualité. L'irruption du vélo dans le débat des municipales 2020 traduit à la fois ce manque d'espace et ce besoin d'une meilleure qualité de vie. Donc à vos bulletins de vote dimanche : votez vélo !

 

Les 9 lignes cyclables du « RER V » imaginées par le Collectif Vélo Île-de-France, dont une passe à Clamart le long de la D906.
Les 9 lignes cyclables du « RER V » imaginées par le Collectif Vélo Île-de-France, dont une passe à Clamart le long de la D906.