Le guide de Paris en Selle : la ville cyclable néerlandaise analysée

Auteur: Stein van Oosteren

Date: 23 décembre 2019 12:28

 

Absolument tout le monde se déplace à vélo aux Pays-Bas. Il y a une raison technique : l’espace public y est aménagé de telle façon que même un enfant peut y rouler à vélo tout seul sans crainte. Peut-on faire la même chose en France ? Oui. Le guide de Paris en Selle explique comment.

Une véritable stratégie
L’approche est radicale. Au lieu de proposer une « boîte à outils » où les aménageurs français peuvent se servir « au hasard », comme la Loi d’Orientation des Mobilités, elle propose une véritable stratégie pour mettre les Français en selle. Cette stratégie tient en deux mots : séparation et efficacité.

J’ai peur des voitures
Ce qui empêche 60% des Français de choisir le vélo comme moyen de déplacement n’est pas le danger réel, mais le sentiment de danger. Ce sentiment vient du fait que le cycliste, en France, doit constamment « négocier » son chemin avec les voitures. Le guide part du principe que pour mettre les Français en selle, il est indispensable de réduire, voire éliminer cette négociation. C’est possible en séparant le vélo et la voiture grâce à des pistes cyclables sécurisées. Pour le guide, qui n’y va pas par quatre chemins, une bande cyclable n’est pas assez sûre et confortable, et est donc à éviter.

 

N'étant pas à l'aise sur la route malgré la bande cyclable, le cycliste est contraint de rouler sur le trottoir.
N'étant pas à l'aise sur la route malgré la bande cyclable, le cycliste est contraint de rouler sur le trottoir.

 

 

Un espace public, trois réseaux de transport
Pour qu’une piste cyclable donne envie de rouler dessus, elle doit être efficace. Les approches néerlandaise et française diffèrent sensiblement :

•    Les Français conçoivent la voirie de façon binaire, comme un monde où il n’existe que des trottoirs pour les piétons et des routes pour les voitures. Le vélo, quant à lui, n’est pas considéré comme une catégorie d’usagers avec des besoins spécifiques. Conséquence : les itinéraires cyclables sont posés souvent là « où l’on trouve de la place », comme une variable d’ajustement. Et tant pis si cela met les piétons en danger (sur le trottoir) et décourage les habitants de prendre le vélo par peur des voitures (sur la route).
•    Les Néerlandais en revanche conçoivent le vélo comme une catégorie d’usagers à part entière qui remplit utilement le « trou » entre le piéton (0-1km) et la voiture (+5km). Ils lui donnent un troisième domaine de voirie dédié où ils sont « chez eux », en sécurité et à l’aise. Vous pouvez y laisser votre enfant pédaler en toute sécurité !

 

Séparation physique et temporelle
« Oui mais souvent il n’y a pas de place pour des pistes ». C’est vrai. Pour les rues étroites, le guide propose de séparer les vélos et voitures autrement. Non pas par une séparation physique du type piste cyclable, mais en réduisant le volume de voitures dans la rue. Par exemple en supprimant le transit, qui empêche les automobilistes d'utiliser la rue étroite comme un raccourci. Le résultat : moins de voitures, juste une voiture de temps en temps, ce qui permet au vélo de s’engager sans avoir à négocier avec un flux de voitures. Cela s’appelle la « séparation temporelle » (terme inventé par le président de Paris en Selle Charles Maguin): le vélo est séparé de la voiture car temporairement il n’y en a pas !

Mon quartier n’est pas un raccourci
« Oui mais les voitures doivent quand même passer partout ». Même si cela se discute, une ville peut être parfaitement cyclable sans empêcher l’accès de la voiture ! Le secret de la ville cyclable réside plutôt dans la façon dont on fait accéder la voiture en ville. D’abord on réduit la vitesse à 30 km/h. Mais réduire la vitesse ne suffit pas : qui a envie de rouler à vélo dans un flux de voitures, même à 30km/h ? Il faut aussi réduire le volume du trafic. Pour l’illustrer, le co-auteur du guide, Simon Labouret, fait remarquer que « le périphérique parisien est la plus grande zone 30 en France »….

Pour rendre un quartier cyclable, il est donc essentiel de faire passer le gros volume de trafic – le transit – autour du quartier. Car les rues à l’intérieur des quartiers n’ont pas vocation à être des raccourcis pour remplacer un axe de transit départemental par exemple. Leur fonction est plutôt d’être un lieu de vie où la voiture n’est qu’un invité qui doit faire attention. Pour faire éclore cette « vie », la réduction de la vitesse et du volume doit s’accompagner de mesures qualitatives qui rendent le quartier accueillant : de la végétalisation, des revêtements moins routiers, des bancs etc.

Conclusion
Lorsqu’on me parle des Pays-Bas, on me dit toujours à quel point on y était bien en roulant à vélo avec les enfants, et ce silence… Jusqu’à présent, je répondais toujours que la société apaisée néerlandaise est possible aussi en France, mais sans pouvoir montrer comment. Désormais, le Guide de Paris en Selle montre à vos élu(e)s et à vos urbanistes la recette à suivre. Toute la philosophie de la ville cyclable est là, expliquée, illustrée et prête à être mise en œuvre. Pour la connaître, il fallait cette exploration des Pays-Bas par les spécialistes de Paris en Selle, transcrite dans un guide qui risque fort de faire école dans les années à venir.

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